jeudi 20 janvier 2011

Non, toujours pas de cosplay à l'horizon...

Mais probablement un billet sur la couture bientôt! Car j'ai testé un modèle de robe très simple qui donne un look super! :D J'ai pris des photos, alors je vais fort probablement en partager une ou deux! :-)

Mais ce billet est plutôt la suite de la courte histoire que j'ai publié dans mon blogue, à la demande générale *keuf*unepersonne*keuf*.

Encore une fois, les "disclaimers" habituels s'appliquent : Cette histoire n'a été relue qu'une seule fois. De plus, à mesure que la game avance, de nouveaux éléments s'ajoutent et viennent contredire certains trucs qui se sont passés dans l'histoire (par exemple, le tuteur de magie de Capucine n'est plus Melkior, mais plutôt Folkeor...). Donc s'il y a un manque de continuité dans l'histoire, ce n'est pas de ma faute, c'est celle de G., mon DM! ;-)


Églantine soupira. Elle se doutait qu’ils ne les laisseraient pas tranquilles tant qu’ils n’auraient pas obtenu des réponses satisfaisantes. En tout cas, c’est ce qu’elle aurait fait à leur place.

Elle ouvrit à nouveau le placard et sortit une brosse à cheveux. Elle alla s’asseoir sur le bord du bain, les pieds dans l’eau. Églantine défit sa coiffure correctement et commença à brosser ses cheveux, en commençant par la pointe.

- J’en sais pas beaucoup plus que vous, soupira-t-elle. Le créateur est parti quelque part, et son serviteur ne sait pas où. J’ai oublié le nom de ces golems, mais ce sont eux qui tentent de prendre le contrôle de mon esprit pour changer le passé.

Elle changea de mèche de cheveux et recommença le même processus sur la deuxième.

- Pourquoi toi? demanda Allan.

- Parce que je suis géniale, c’t’affaires! répondit Églantine, incrédule. En tout cas, il faut se méfier, car ils peuvent prendre l’apparence de personnes qui nous sont chères pour nous manipuler.

- Alors, à qui pouvons-nous faire confiance? demanda Capucine.

- À personne, répondit Églantine avec un sourire. Qui sait? Peut-être que je ne suis pas la vraie Églantine.

Trois regards la dévisagèrent, mal à l’aise. Se rendant compte que personne ne trouvait sa petite blague rigolote, elle sortit du bain et se releva.

- Bon, j’vous aime bien, mais moi je veux finir mon bain tranquille et je vous ai pas mal tout raconté. On en discutera plus après une bonne nuit de sommeil. Allez, ouste!




Elle poussa Capucine hors de la chambre pendant qu’Alpharius quittait la pièce par la fenêtre. Elle reprit sa place au bord du bain et continua de démêler ses cheveux. Allan hocha la tête, incrédule. Églantine pouvait passer du coq à l’âne beaucoup trop facilement.

Du coin de l’œil, Églantine vit Allan se dévêtir et rentrer doucement dans l’eau. Il paraissait encore en pleine forme, malgré son âge, à l’exception de la fatigue qui semblait alourdir ses mouvements gracieux. Elle tenta d’éviter son regard et se concentra sur sa propre chevelure encore dans un piteux état.

Églantine avait côtoyé très peu de paladins et de chevaliers; leurs valeurs étant à l’opposé des siennes. Les rares qui avaient croisé son chemin étaient des Haumites qui étaient si ennuyeux et stricts!

Mais c’était différent avec les Tormites. Contrairement aux Haumites, ils étaient, selon ses observations, généralement capables de réfléchir et étaient donc plus flexibles dans leur jugement. Allan avait, comme tous les autres chevaliers, un code moral qu’elle trouvait ridicule, mais le bâton qu’il avait dans le, ahem, postérieur était enfoncé bien moins creux que dans celui des Haumites.

Elle trouvait même sa compagnie agréable, quand il n’était pas pris par son travail. Il aimait les festivités (bien que les siennes soient plus conservatrices) et, à la grande joie d’Églantine, il n’appréciait pas particulièrement les soirées mondaines, quoiqu’il se pliait aux conventions sans se plaindre.

Allan s’approcha d’elle. Il voyait qu’elle n’avait pas la patience nécessaire pour brosser ses longs cheveux raides. Son impression fut confirmée lorsqu’elle grogna et se prépara à lancer son peigne à l’autre extrémité de la pièce. Il arrêta son mouvement et lui prit la brosse des mains.

- Allez, descends. J’ai eu les cheveux longs assez longtemps pour savoir comment en prendre soin, mentionna-t-il.

Effectivement, pendant la majeure partie de sa vie, ses cheveux blonds se terminaient à sa taille. Maintenant, il les tenait la hauteur des épaules. Avec l’âge, il trouvait plus pratique de les maintenir plus courts.

Églantine se glissa dans l’eau et se tourna en appuyant ses avant-bras sur le bord du bain. Elle observa le ciel de la fenêtre qui donnait sur la piscine et ferma les yeux. Elle respira profondément, apaisée instantanément dès le premier coup de brosse.

- Quels sont tes plans pour les prochains jours? demanda Allan, nonchalamment.

Malgré son ton désinvolte, Allan redoutait la réponse, car il savait que le besoin de liberté d’Églantine était bien plus qu’un petit caprice. C’était un désir qui la tiraillait constamment. Tôt ou tard, elle partirait loin d’ici, et il se retrouverait à nouveau seul avec Capucine.

Élever une enfant sans mère s’était avéré une tâche plus compliquée qu’il ne l’avait pensé. Capucine n’avait jamais été une enfant turbulente, bien au contraire, mais dès sa plus tendre enfance, elle avait développé un sens de l’aventure qu’il ne saisissait pas. La motivation première du chevalier avait toujours été son devoir et sa loyauté envers Torm. L’étincelle dans les yeux de Capucine était une tout autre chose. Elle rêvait de danger et d’une vie palpitante; des sensations qu’il n’avait jamais recherchées.

Si Églantine avait été présente, elle aurait pu l’aider à gérer la situation. Elle avait raison; il avait cru pendant longtemps que sa fille était faite de porcelaine si fragile qu’elle se briserait au contact de la réalité. Alors, il l’avait caché entre les murs du manoir. Il aurait dû se douter qu’elle finirait par vouloir découvrir ce qu’il y avait au-delà de son univers…

Églantine lui pinça le nez à deux doigts pour le sortir de sa rêverie.

- Tu m’poses des questions et t’écoutes même pas la réponse! le sermonna-t-elle avant de reprendre sa position pour qu’il puisse continuer de démêler ses cheveux.

- Désolé, la journée fut exténuante pour moi, sourit-il légèrement. Que disais-tu?

- Je vais probablement partir assez tôt. Étant donné qu’ils m’ont déjà retrouvée, je vais essayer de les attirer loin d’ici et faire en sorte qu’ils perdent ma piste, comme ça tu les auras pas sur le dos. Alors dès la prochaine attaque, je retourne au bateau, expliqua-t-elle simplement en fixant toujours la fenêtre.

Allan ralentit son mouvement. C’était exactement ce qu’il appréhendait. Églantine poursuivit :

- Mais avant, je vais aller voir Melkior, j’ai quelques questions à lui poser. Peut-être qu’il va me donner des trucs pour anéantir ces maudits golems, comme ça je vais pouvoir chasser le kraken volant en paix.

Allan décida d’ignorer la mention des krakens volants, peu importe ce que cela pouvait bien être, et se concentra sur la première partie à propos de Melkior.

- Melkior? Mais tu sais bien que Melkior a disparu sans laisser de traces depuis plusieurs années, expliqua Allan.

Églantine se retourna subitement et dévisagea le chevalier.

- Q-quoi? Qu’est-ce que tu racontes?

Elle se frappa le front, comprenant soudainement ce qui se passait.

- Ah non, me dis pas que personne a été sauver Melkior des griffes de cette espèce de folle depuis tout ce temps? dit Églantine, plus à elle-même qu’à son compagnon.

Elle croisa les bras sur sa poitrine, l’air contrarié. Elle fronça des sourcils, ce changement semblant bouleverser ses plans.

- Ça complique tout, ça. Si personne l’a fait, je vais devoir y aller… poursuivit-elle.

Allan mit ses larges mains sur les épaules de sa femme.

- Rien de ce que tu dis n’a de sens, Églantine! dit Allan, sa patience mise à l’épreuve. Nous avons déjà fait des recherches pour le retrouver, mais nous n’avons aucun indice.

Églantine commençait à être exaspérée. C’était pourtant si simple et clair dans son esprit! Habituellement, Allan était plus futé que ça!

- Mais c’était pas comme ça, avant! expliqua-t-elle. Ça fait partie des choses qui ont changé quand ils ont fouillé dans mon passé. Il disait qu’il s’occuperait de la mégère, mais on dirait qu’il est pas revenu…

Allan déposa la brosse sur le bord du bain, les cheveux d’ébène d’Églantine étant maintenant dans un état convenable. Il prit tendrement son visage entre ses mains et la regarda dans les yeux.

- Allons, tu parleras de tout ça à Folkeor demain. À vrai dire, il a l’air aussi confus que toi. Je comprends un peu mieux sa réaction. Lui aussi a été impliqué dans ce problème?

Églantine grimaça à la mention de Folkeor, mais acquiesça. Elle pinça ses lèvres et réfléchit. Peut-être que Folkeor aurait une meilleure idée de ce qui se produisait dans le passé, présent et futur? Après une pause, elle sortit de l’eau en un mouvement et tordit ses cheveux.

- Tu as raison, concéda-t-elle en bâillant. J’irai voir Folkeor demain.

Elle ramassa ses bottes dans l’entrée de la pièce et son chapeau qui traînait sur une chaise. Allan la regarda quitter la pièce et poussa un soupir. Il se lava rapidement et sortit du bain. Quand il entra dans la chambre, une serviette autour de la taille, il trouva Églantine en train de plier ses vêtements. Elle portait maintenant une des chemises du chevalier qui lui arrivait à la mi-cuisse. Elle frotta ses yeux de fatigue et se tourna vers lui, son tricorne entre les mains.

Allan fut à nouveau intrigué par ses vêtements, peu orthodoxe pour une femme.

- Par simple curiosité, commença Allan, comment êtes-vous atterris ici sans que la sécurité ou les gardes ne vous repèrent?

Églantine sourit de toutes ses dents et remit son chapeau sur sa tête.

- J’suis capitaine d’un bateau volant! Et avec l’aide de Solux et de ses créations, je peux facilement retrouver un endroit, même une cité volante, précisa-t-elle.

- Ça explique les vêtements, mais pas comment avez-vous pu franchir la garde du port sans être ajouté dans les cahiers? J’aurais dû être informé de votre arrivée.

Églantine sembla soudainement nerveuse et se mordit la lèvre. Elle joua avec ses mains tout en évitant le regard d’Allan. Peut-être pouvait-elle omettre quelques détails? Ce n’était pas comme si elle lui mentait directement.

- Apparemment que j’ai une sacrée réputation dans les airs et sur la mer, alors j’osais pas trop emprunter la voie officielle, tu vois?

Allan croisa les bras et attendit la suite, son regard la pressant de tout lui révéler. Voyant qu’elle ne pouvait s’en sortir, et sachant qu’il était inutile de lui mentir, elle se cacha derrière un sourire tendu, l’air résigné.

- J’suisunepiratetuvoisc’estpasgrand-choseallonsnouscoucherj’suismortedefatigue! dit-elle le plus rapidement possible en sautant dans les couvertures.

- Attends une minute, dit-il, concentré sur les paroles de la roublarde. Je ne suis pas certain d’avoir bien compris : tu es une pirate?! Les pirates sont des pilleurs immoraux, des voleurs qui n’ont pas de principes… Les criminels de la mer!

Allan fit les cent pas, essayant tant bien que mal d’assimiler ce qu’Églantine venait de lui révéler.

- Et dire que je suis marié à l’une d’entre eux! se lamenta-t-il, incrédule.

- Tu dis ça comme si c’était une mauvaise chose, marmonna Églantine.

- Mais c’est une mauvaise chose, Églantine! dit-il, excédé.

Allan s’assit sur leur lit, dos à Églantine. Cette dernière s’avança à ses côtés et le força à la regarder.

- Mais j’suis une gentille pirate! dit-elle d’une voix enfantine.

- Et qu’est-ce qu’une « gentille pirate », si j’ose poser la question? demanda Allan en l’observant du coin de l’œil.

- Ben… réfléchit-elle. Je pille généralement les autres pirates et je me bats souvent contre eux…

- Généralement? interrompit-il. Et pour les cas d’exception?

- Ben c’est sûr que des fois les corsaires s’attaquent à mon bateau, alors il faut que je riposte… poursuivit la jeune femme, l’air piteux.

Églantine sut qu’elle aggravait son cas en voyant la réaction d’Allan qui était loin d’être celle d’un homme satisfait des explications qu’il entendait. Elle adapta son raisonnement.

- Aussi, ces derniers temps, avant toute l’affaire de voyage dans le passé, je m’occupais de me battre contre une tour et des krakens volants! Ces trucs font peur aux bateaux et s’attaquent à eux dès qu’ils passent à proximité. Une vraie menace!

Allan regarda l’air repenti d’Églantine, silencieux. Il poussa un soupir et se leva pour se glisser sous les couvertures de son côté.

- T’es pas fâché contre moi, dis? demanda Églantine, incertaine.

Il la dévisagea un instant. Il posa ensuite la tête sur l’oreiller et ferma les yeux.

- Je n’en sais rien. Je suis trop fatigué, je verrai demain, répondit-il sèchement.

Églantine rouspéta un brin et se coucha à son tour. Elle l’avait l’habitude de dormir dans un bateau en se laissant bercer par la mer et en écoutant le bruit de l’eau. Le silence du manoir et la stabilité du lit la rendaient inconfortable. Après une dizaine de minutes passées à fixer le drapé du lit baldaquin, elle se leva de nouveau.

Elle décrocha doucement les rideaux de l’immense fenêtre afin de ne pas réveiller Allan. Elle ouvrit la porte-fenêtre qui menait au balcon et accrocha les extrémités des rideaux de chaque côté de la rampe de manière à créer un hamac. Elle se coucha, plus à son aise, et ferma les yeux avec un sourire. Ce n’était pas comme être sur la mer, mais la brise fraîche et le bruit de la ville lui permettrait de mieux dormir.

* * *

Capucine ferma la porte de sa chambre un peu plus brusquement qu’elle ne l’aurait voulu. Elle n’avait pratiquement rien appris sur les créatures qu’ils avaient croisées auparavant, et pire encore, elle s’était fait prendre à les espionner! Elle aurait dû s’en douter; ses parents étaient tout de même des héros redoutables…

En verrouillant la porte (afin d’avoir l’illusion d’une certaine intimité, malgré les gardes qui protégeaient toutes les entrées ainsi que les fenêtres), elle sourit légèrement. Au moins, elle n’avait pas été la seule à se faire piéger la main dans le sac.

Son sourire fut rapidement remplacé par un air sérieux. Elle observa la pièce qu’elle avait quittée il y avait de cela huit mois. Huit mois à voyager avec Alpharius, à se battre contre les mercenaires du « village », à tenter de trouver un nouveau refuge aux rescapés, à chasser pour manger…

Elle sursauta quand on cogna, le dos toujours appuyé contre la porte. Elle mit la main sur la poignée et poussa un soupir avant d’arborer un sourire poli pour l’ouvrir.

- Oui? demanda la jeune femme en voyant la servante embarrassée.

La servante devait avoir l’âge de Capucine et semblait assez timide.

- Désolée de vous déranger, mademoiselle Schézar, mais je suis ici pour vous assister durant votre bain.

S’il y avait quelque chose qui ne lui manquait pas de sa vie au manoir, c’était la prétention qu’elle était incapable d’accomplir la plus simple des tâches par elle-même. Elle commença à fermer la porte.

- Ce ne sera pas nécessaire. Bonne nuit! dit-elle rapidement.

La servante mit son pied dans l’embrasure pour arrêter le mouvement de Capucine.

- Malheureusement, cette décision n’est pas en mon pouvoir, car maître Schézar m’a demandé de faire en sorte que vous vous laviez consciencieusement, car demain un bal sera donné en votre honneur.

- Comment peut-il avoir organisé un bal en si peu de temps? demanda-t-elle, abasourdie. Je ne suis arrivée au manoir que depuis quelques heures!

- En fait, il y avait une rencontre diplomatique planifiée demain soir, mais votre père a décidé de profiter de l’occasion et de fêter votre retour de celui votre mère! expliqua-t-elle joyeusement.

Capucine observa la servante d’un air abattu et la laissa entrer, résignée. Elle avait bien autre chose à faire que de faire pomponner au manoir.

Elle ne vit que trop tard qu’elle était accompagnée par une nurse qu’elle reconnut immédiatement.

Béatrice était une femme en chair à l’air sévère. Elle était responsable des servantes et s’était occupée de l’éducation et de l’hygiène de Capucine pendant longtemps.

- Bonsoir mademoiselle Schézar, dit Béatrice en fermant la porte derrière elle. Votre père aimerait que vous vous présentiez sous votre meilleur jour demain soir; je crois qu’il y aura des hommes importants à cette soirée.

Les épaules de Capucine s’affaissèrent. Pourquoi fallait-il qu’elle replonge aussitôt dans les soirées mondaines, avec son père qui joue les entremetteurs par-dessus le marché? Elle grogna légèrement et sentit le regard désapprobateur de la nurse.

- Une dame de la cour ne grogne pas comme les animaux, réprimanda-t-elle. Et redressez votre dos! Ce séjour parmi vos ravisseurs vous aurait-il fait perdre vos manières?

Capucine obéit, mais serra des dents pour retenir un commentaire. Et qu’entendait-elle par « ravisseurs »? La nurse claqua des doigts et la jeune fille qui attendait silencieusement au fond de la pièce s’avança et commença à retirer les vêtements de la magicienne.

- Je pensais prendre un bain demain, alors il n’y a rien de prêt, commença-t-elle.

- Votre mère a cru bon demander qu’on prépare un bain à tous les invités, répliqua la bonne.

Un minuscule soupir s’échappa des lèvres de Capucine, que perçut la servante qui lui lança un regard compréhensif. Elle s’approcha ensuite de Capucine pour l’aider à enfiler son peignoir lorsque Béatrice arrêta son mouvement.

- Votre corps, mademoiselle! s’indigna la nurse. Il est meurtri de toutes parts! Qui vous a fait ça?

Elle s’avança plus près et scruta le corps de la jeune femme qui rougit, mal à l’aise.

- Vous avez des blessures récentes et de vieilles cicatrices, continua-t-elle. Votre beau corps est abîmé! Si vous continuez comme ça, aucun homme ne voudra de vous!

Capucine savait qu’elle ne disait pas ces phrases méchamment, mais elle dût tout de même se retenir de toutes ses forces de frapper la bonne. Ces cicatrices étaient la preuve qu’elle avait vécu autre chose que la vie rangée au manoir. Elle en était fière et elle se foutait bien qu’aucun homme ne veuille d’elle; au contraire, repousser les avances de ses prétendants n’en serait que plus facile. Capucine prit le peignoir des mains de la servante et l’enfila rapidement pour éviter d’autres commentaires de la nurse.

- J’espère que vous avez conservé votre vertu? s’indigna la bonne.

Capucine rougit de honte et balbutia une réponse. Si seulement elle savait à quel point les femmes avec qui elle avait partagé les derniers mois avaient perdu beaucoup plus que leur vertu! Ces personnes avaient un courage sans borne. Tout ce qu’elles avaient subi pour protéger leurs enfants…

Elle se rendit compte que sa vision du monde avait bien changé depuis sa fugue. Elle avait vécu, à l’abri de tout dans un manoir, alors que chaque jour des milliers de gens vivaient sans savoir où ils passeraient la nuit.

La servante ouvrit le pas et guida la jeune femme dans la demi-pièce qui contenait effectivement un bain chaud. La servante se plaça à côté de la baignoire et tint les serviettes en se faisant discrète. Capucine n’attendit pas Béatrice et se glissa doucement dans le bain. Elle sentit ses récentes plaies picoter au contact des sels marins dissous dans l’eau. Elle expira doucement et appuya sa tête le rebord du bain en fermant les yeux.

Béatrice pénétra dans la pièce d’un pas lourd, un panier contenant des lotions parfumées entre les mains. La magicienne savait que ce sentiment de contentement serait de courte durée. Elle n’avait jamais vraiment aimé Béatrice. Cette femme était stricte, distante et savait exactement quoi dire pour la mettre mal à l’aise. Chaque jour était l’occasion de rappeler à la magicienne que sa seule mission dans ce bas monde était de se marier et de procréer. Mais elle lui obéissait pour faire plaisir à son père. Apparemment, cette femme faisait partie des meubles depuis le temps qu’elle était au manoir.

La nurse déposa le panier sur un tabouret et mit de la lotion dans la paume de sa main. C’était le moment pour Capucine de mouiller ses cheveux. Béatrice les lava en silence et Capucine crut en un miracle. Qui fut malheureusement beaucoup trop bref.

- Votre père doit être heureux de vous revoir! Il broyait du noir depuis votre enlèvement…

Capucine se retourna brusquement et dévisagea la bonne. Un enlèvement? La cour croyait qu’elle avait été enlevée? Ça expliquait pourquoi Béatrice ne l’avait pas réprimandé à son arrivée. Il était certain qu’elle s’accrocherait à cette version des faits le plus longtemps possible. La servante, curieuse, se mêla à la conversation.

- Avez-vous vu le visage de votre ravisseur? La rumeur court que c’était une horrible créature des ténèbres! expliqua-t-elle, l’excitation perceptible dans sa voix.

- Non, je n’ai jamais vu son visage. De plus, les créatures effrayantes ne sont pas nécessairement les plus malveillantes, nota-t-elle.

- C’est peut-être le cas en général, mademoiselle Schézar, mais certaines créatures sont maléfiques par nature… Elles ne vivent que pour nous pourrir la vie! Mais bon, laissons ce genre de discussions aux hommes qui combattent, car trop réfléchir vous donnera des rides prématurées, conclut-elle en souriant. Parlons de choses qui nous concernent davantage : le mariage! Vous aviez plusieurs prétendants avant votre enlèvement, dit-elle avec un clin d’œil faussement complice.

Capucine roula des yeux, découragée. Comment était-ce possible d’avoir une discussion intelligente parmi ces sottes? Ah, mais elle avait oublié : dans cette société, la plupart des hommes qui la désiraient ne voulaient pas connaître son opinion. Ils n’avaient guère envie qu’elle soit en mesure d’argumenter et de prendre position. La jeune servante approcha son visage près de celui de Capucine et la sortit de ses pensées.

- L’homme qui vous accompagnait tout à l’heure, est-ce celui qui vous a sauvé des griffes de votre ravisseur? demanda-t-elle sur le ton de la confidence. Est-ce un chevalier? Un noble? Il est si mystérieux! Peut-être demandera-t-il votre main à votre père comme récompense? Vous êtes très populaire, vous savez? On vous qualifie de plus belle fleur du royaume! Ah, c’est si romantique!

Capucine dévisagea la servante et un mélange de frustration et d’incrédulité se dessina sur son visage. Pourquoi tout le monde croyait-il qu’elle devait être sauvée et protégée? Elle se débrouillait très bien toute seule! Mais elle se retint de partager sa façon de penser avec ces femmes. Ce ne serait qu’une perte de salive.

Son esprit se dirigea ensuite vers l’idée farfelue d’une demande en mariage d’Alpharius. Elle pouvait difficilement s’imaginer la situation tellement elle paraissait ridicule. Capucine se rembrunit ensuite. D’ailleurs, cette situation paraissait encore plus ridicule quand elle prenait en compte les commentaires qu’Alpharius avait envoyés à son père en soirée.

Était-il sérieux quand il parlait de partir seul une fois son contrat terminé? Elle ne savait pas pourquoi, mais cette remarque l’avait bouleversée plus qu’elle était prête à l’admettre. Elle se considérait terre-à-terre; mais s’était-elle imaginé l’attirance qu’il y avait entre eux? Il n’y avait jamais rien eu de déplacé, mais il y avait ce quelque chose, ces barrières qu’ils avaient créées pour se protéger. De quoi? D’eux-mêmes?

Les regards profonds qu’il lui envoyait parfois la faisaient frissonner. Cela dit, il courtisait tout ce qui était de sexe féminin. Elle était probablement prise d’une folie passagère; le fait d’avoir voyagé avec lui comme seule compagnie pendant tout ce temps avait dû lui brouiller les sens. De toute façon, attirance ou pas, une relation à long terme avec lui, peu importe sa nature, était sans issue. Ils étaient beaucoup trop différents. Peut-être était-ce pour le mieux que leurs chemins se séparent?

Elle secoua la tête pour chasser ces pensées et leva les yeux vers ses interlocutrices. Elle aperçut les deux femmes qui semblaient attendre une réponse de sa part.

- Hum… Disons qu’il m’a sauvé, dans un sens… bredouilla-t-elle, incertaine de la réponse qu’elles attendaient.

Elle n’avait pas menti. Il ne l’avait pas sauvé d’un kidnappeur, mais il lui avait certainement donné l’occasion dont elle avait eu besoin pour se libérer du manoir.

- Mais non, je ne crois pas qu’il soit noble, ou qu’il aille l’intention de m’épouser.

- De toute façon, interrompit la bonne, mademoiselle Schézar mérite bien mieux qu’un paysan masqué!

Bien sûr, elle méritait un homme qui lui adresserait la parole seulement pour qu’elle acquiesce à ses discours ridicules. Qui la reléguera à la place qui lui est due, c’est-à-dire auprès des autres femmes de nobles qui papoteront sur des sujets plus ennuyeux les uns que les autres.

Comment sa mère avait-elle pu survivre à ce régime pendant si longtemps? Elle n’avait passé que très peu de temps avec elle, mais il était facile de cerner sa personnalité. Il était surprenant qu’elle n’ait pas créé de conflit diplomatique avec son franc-parler. Ou peut-être en avait-elle créé et Capucine n’en avait jamais été informée?

Le reste du bain se passa comme Capucine en avait l’habitude. Les deux dames bavardaient de façon insipide et elle acquiesçait au bon moment avant de retomber dans ses rêveries.

* * *

Églantine se réveilla plus tôt qu’à l’habitude. Elle n’avait certainement pas prévu que le soleil la frapperait de plein fouet si tôt. Elle avait bien dormi malgré que ce fut de courte durée. Elle se souvenait vaguement s’être éveillée quand Allan avait ouvert la porte-fenêtre, effrayé qu’elle ait disparu à nouveau, pour découvrir qu’elle s’était assoupie paisiblement dans son hamac.

Elle s’étira, se sentant en pleine forme. Allan devait déjà être parti. Il se couchait généralement très tôt pour se lever à l’aube. Elle se dirigea immédiatement à l’endroit où elle avait laissé ses vêtements la veille pour s’apercevoir qu’ils avaient été lavés et pliés. Églantine enfila son accoutrement de pirate et se dirigea vers la sortie pour se rendre au château. Elle attrapa de la nourriture en chemin et prit un cheval dans l’écurie.

* * *

Allan était penché sur une carte de la ville, tandis que Folkeor, à l’opposé de la table, se frottait le menton, arborant un air pensif tout en observant la carte de son côté. Ils furent déconcentrés quand ils entendirent la porte du local s’ouvrir avec force et une Églantine haletante refermant la porte derrière elle rapidement.

- Mais c’est qu’ils courent vite, tes hommes-dragons! s’exclama-t-elle, essoufflée.

Folkeor ne réagit pas immédiatement, mais Allan perçut un léger sourire de fierté sur ses lèvres.

- Folkeor… commença Allan. Pourrais-tu demander à tes gardes…

Folkeor jeta un regard à Allan et leva ensuite les yeux au ciel. Du revers de la main, il poussa Églantine de la porte et l’ouvrit.

- C’est bon, vous pouvez la laisser tranquille, je crois qu’elle a eu sa leçon, murmura-t-il à ses gardes.

Du moment qu'Allan l’avait averti du retour d'Églantine, Folkeor avait prévenu ses gardes d’effrayer Églantine sans la blesser. Il referma ensuite la porte et vit Églantine l’observer avec un énorme sourire.

- Surprise, j’suis de retour! déclara-t-elle, les bras en l’air.

Folkeor retourna à sa place et lui répondit en pointant Allan du doigt.

- Oui, j’ai entendu la triste nouvelle.

Allan secoua la tête. Finalement, malgré tout ce temps, rien n’avait changé entre ces deux-là.

- J’imagine que tu te rappelles de ce qui s’est passé? demanda Églantine.

- Ce rêve étrange? Oui, je m’en souviens.

- Et t’as pas retrouvé Oncle Méli?

Folkeor était sur le point de perdre patience, mais il se retint de montrer une quelconque faiblesse, car il savait que l’objectif de vie de la roublarde était de lui pourrir la sienne. Il croisa les bras sur sa poitrine et prit un ton calme.

- Pourquoi essaierai-je de retrouver quelqu’un qui n’a pas disparu? expliqua-t-il, comme à une enfant.

- De quoi tu parles?! Tu l’as vu comme moi, il est disparu avec la folle quand Shawn-Djy était géant! Et il doit y être coincé depuis!

Églantine poussa un soupir exagéré et leva les yeux au ciel.

- Il faut toujours que je fasse tout moi-même, grommela-t-elle, les poings sur les hanches.

- Ah oui? Et comment comptes-tu retrouver Melkior alors? Bien que je ne crois pas qu’il ait besoin de ton aide?

Églantine bomba le torse fièrement. Folkeor leva le sourcil.

- J’ai une boussole que Solux m’a donné qui me permettra de retrouver Melkior en moins de deux, expliqua-t-elle en sortant la boussole de sa poche. Les deux hommes s’approchèrent de l’objet et quand Folkeor avança sa main pour prendre la boussole, Églantine referma le boîtier et cacha à nouveau l’objet là où elle l’avait pris.

- Hé, hé, hé! Pas touche! prévient-elle.

Folkeor secoua la tête.

- Et s’il est dans un autre plan?

Églantine ouvrit la bouche pour répondre, mais se ravisa. Elle aurait bien voulu leur dire que sa voile lui permettait de voyager d’un plan à l’autre par les rêves, mais étant donné que Robin l’avait en sa possession, elle ne savait pas par quel moyen elle parviendrait jusqu’à Melkior.

- Des détails, je me poserai la question quand je serai rendue là. Donc, si je comprends bien, j’ai pas ton soutien pour le retrouver? Pas que j’en avais réellement besoin.

Folkeor dévisagea Églantine un moment.

- Effectivement. Je ne perdrai pas de temps à trouver quelqu’un qui n’a pas besoin d’être retrouvé. Tu crois que, si c’était réel, Melkior se ferait prendre aussi facilement?

Églantine haussa les épaules et se dirigea vers la porte. Allan leva la tête.

- Où vas-tu? lui demanda-t-il.

- Voir Isaac, expliqua Églantine en tournant doucement la poignée, la frustration perceptible dans sa voix.

- Il n’est pas là, répondit Folkeor.

Églantine se tourna vers lui et lui envoya un regard las. Pourquoi ses plans se retrouvaient-ils toujours contrecarrés? Et ensuite les gens l'accusaient de ne pas savoir se concentrer sur une idée...

- Et où est-il? demanda-t-elle sur un ton blasé, sachant que la réponse lui déplairait.

Folkeor haussa les épaules pour seule réponse, sans pouvoir masquer un sourire satisfait.

- Tu devrais le savoir, les De Grands Jardins sont excellents pour disparaître sans laisser de trace, et ce, pendant des décennies, ajouta Allan.

Son ton paraissait désinvolte, mais il y avait une pointe de moquerie dans la voix. Allan s’attendait à ce qu’elle lui tire la langue, comme elle le faisait habituellement. Toutefois, Églantine pinça les lèvres, l’air un peu triste et baissa son regard. Elle ouvrit la porte et fit un pas vers la sortie lorsqu’Allan interrompit son élan à nouveau.

- Il y aura un bal en l’honneur de ton retour et de celui de Capucine, j’aimerais que tu t’y prépares conformément.

Églantine le regarda et croisa les bras sur sa poitrine en levant le sourcil. Son regard était revenu comme avant, et Allan crut presque qu’il avait imaginé la tristesse qui s’y était glissée.

- Et pourquoi j’irais me faire torturer là-bas? dit-elle sur un ton de défi.

Allan connaissait suffisamment Églantine pour savoir qu’il devrait lui offrir quelque chose en retour s’il voulait la voir présente au bal ce soir. Le but du « jeu » était de voir qui des deux réussirait à fourvoyer l’autre. Bien sûr, dans son cas, il n’essayait pas de la tromper, mais plutôt de faire en sorte qu’elle tienne parole. En vingt ans de vie commune, il pouvait dire que cette tactique fonctionnait très souvent. Il croisa les bras à son tour et leva le menton.

- Nous pouvons sûrement arriver à un accord, proposa-t-il, un sourire dans les yeux.

Églantine réfléchit, un doigt sur le menton. Elle scruta la pièce à la recherche d’inspiration et son regard s’arrêta finalement sur la carte de la ville. Ses yeux s’illuminèrent et elle s’approcha de la table.

- Est-ce que le temple de Tymora existe encore? demanda-t-elle en pointant l’endroit où le lieu de culte se trouvait auparavant.

Elle avait remarqué que beaucoup de choses avaient changé depuis son dernier séjour. Mais s’il était encore là…

- Malheureusement, répondit Folkeor. Ce temple est une nuisance et attire les joueurs, mais il paie ses taxes.

Églantine sembla prendre cette critique comme un compliment. Elle inclina la tête et regarda Allan, un large sourire aux lèvres. Son plan était fait.

- Demain, c’est bien le solstice d’été, non? Bon, j’accepte de t’accompagner uniquement si tu viens avec moi à la fête du solstice d’été donnée au temple de Tymora demain soir! déclara-t-elle fièrement.

- Et à quoi ressemble cette fête du solstice d’été? demanda Allan, hésitant.

Folkeor semblait envoyer un regard alarmant à l’intention d’Allan, mais il était derrière ce dernier et son message n’était pas perçu.

- Bah c’est comme un bal, mais avec plus de pep! dit-elle évasivement.

- Pourquoi est-ce que je ne te crois pas?

- C’est ma condition, conclut-elle en reculant vers la porte pour plus d’effet.

- D’accord, mais laisse-moi modifier légèrement les termes : tu dois t’y préparer conformément. Ce qui signifie que tu dois t’exprimer de façon respectable et te vêtir convenablement. Et, le point le plus important, je ne veux pas que tu causes une panique générale durant la soirée. Ai-je été clair?

Églantine considéra les termes de l’accord un instant. Elle analysa chaque terme afin de trouver la bonne façon de contourner l’entente, car elle devait malheureusement s’y plier. Une fois qu’elle avait envisagé toutes les options, un sourire radieux illumina son visage et elle tendit la main.

- Très clair. J’accepte.

Allan observa son changement de posture et douta un moment de ses paroles. Il analysa son regard, mais n’y vit que la vérité. Il prit sa main et la serra pour officialiser l’accord.

- Parfait, alors on se voit ce soir, finit-il.

Églantine quitta la pièce et pensa à un invité qui avait probablement été omis. Sa tête réapparut dans l’embrasure de la porte.

- Et Alphie, il a été prévenu? demanda la roublarde.

Allan tenta de se souvenir de qui était « Alphie ». Quand il finit par associer un visage au nom, ses traits se durcirent.

- Qu’en penses-tu? lança-t-il de façon cynique, le dégoût évident dans la voix.

Églantine décida d’ignorer le ton de ses paroles et les prit au pied de la lettre. Bien sûr qu’Allan le laisserait entrer dans la salle de bal! Il n’avait aucune raison de l’en empêcher…

- Parfait! dit-elle, le sourire dans la voix en disparaissant du cadre de porte. Ne t’inquiète pas, je vais m’occuper de l’invitation!

Allan échangea un regard avec Folkeor avant de comprendre ce qu’elle disait. Il sortit en trombe dans le couloir.

- Je ne t’ai jamais demandé de l’inviter! déclara-t-il, les dents serrées.

Églantine lui accorda un regard par-dessus son épaule tout en continuant son chemin.

- Je sais, mais tu es tellement occupé, alors je vais m’en charger. De toute façon, c’est mon neveu, alors ça me dérange pas de faire le message!

Elle tourna le coin et disparut dans un autre couloir. Allan poussa un soupir. Malheureusement, tout se passait finalement selon les conditions de la fille du roi marchand.

Allan retourna dans la pièce et vit Folkeor qui lui offrit un regard de compassion.

- Elle n’est pas assez idiote pour l’inviter réellement, rassura Folkeor sans conviction.

Allan n’y croyait pas non plus et poussa un soupir. Folkeor décida de changer de perspective.

- Alpharius est assez intelligent pour savoir ce qui est bon pour lui.

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