dimanche 19 décembre 2010

De retour du royaume du silence...

Bonjour à tous! *criquets*

Ça fait si longtemps que je n'ai pas écrit dans ce blogue... Il faut dire que côté couture, ça n'a pas bougé depuis la paire de pantalons de Suzaku. Par contre, côté créatif, ça a été une belle balade durant le mois de novembre, grâce à NaNoWriMo! C'est d'ailleurs la raison qui m'a causé à disparaître de la surface du net pendant un mois, car du 1er au 30 novembre, j'ai frénétiquement tapé sur le clavier de Dark Kyo afin de pondre un roman illisible.

Je vais tenter de réviser mon roman pour qu'il soit au moins potable, et puisque j'ai gagné (50 000 mots en un mois!), j'ai droit à une épreuve gratuite de mon roman!

En vérité, c'est pour partager les 6000 derniers mots de mon roman (qui n'apparaîtront pas dans la version finale, étant donné que ce morceau d'histoire devrait se produire beaucoup plus tard). Dites-moi ce que vous en penser!

P.S. : C'est normal si vous ne comprenez pas le contexte... et l'histoire s'arrête brusquement, car je ne l'ai pas encore terminée. =]
 

Une rencontre surprise

Allan avait eu une très mauvaise journée. Les échanges avec les villes extérieures étaient tendus et certains marchands demandaient même une certaine protection, car ils se sentaient en danger d’un attentat.

- Je suis rendu trop vieux pour ça, souffla-t-il avant d’ouvrir la porte de son bureau.

En plus des problèmes liés à la ville d’Ordulin, capitale volante de la Sembie, il était encore à la recherche de sa fille portée disparue il y a de cela huit mois déjà. Capucine, son unique fille, avait été en toute apparence enlevée par des démons. Tout ce qu’il avait comme indice était ses yeux aux pupilles dorées et l’impression que Melkior en savait bien plus sur l’affaire, mais qu’il refusait de coopérer.

Ses journées étaient composées de négociations avec des hommes d’affaires et ses soirées consistaient à ressasser le peu d’information qu’il avait au sujet de la disparition de sa fille, qu’il avait élevée seul, dans l’espoir qu’il finirait par y trouver la clé du puzzle. La journée étant terminée, il passa à son bureau pour commencer la besogne du soir.

Jamais il n’aurait pu prévoir la personne qui l’y attendait.

- Églantine?! balbutia-t-il, étonné par sa présence.

Sa femme, également disparue, mais depuis un peu moins de vingt ans, se balançait, confortablement assise dans la chaise du chevalier, les deux pieds étendus sur son bureau, sous sa forme humaine. Elle leva les yeux du rapport qu’elle tenait entre les mains, dont il se souvenait vaguement du contenu, et l’observa en croquant dans une pomme.

- Hé! dit-elle joyeusement sans bouger de la chaise. Ça fait un bail, non?

Il s’approcha du bureau et conserva un air stoïque. Croyait-elle vraiment qu’il l’accueillerait à bras ouverts alors qu’il n’avait pas eu de nouvelles d’elle pendant près de deux décennies?

- Que fais-tu ici? demanda-t-il simplement d’un ton neutre.

Elle le dévisagea un instant, son sourire disparaissant de ses lèvres. Elle ne s’attendait pas à une réponse aussi distante.

- Merci de l’accueil, répondit-elle, froissée.

Églantine retourna à son rapport, faisant semblant de se concentrer sur sa lecture afin de cacher son air vexé.

- Et à quoi t’attendais-tu? rétorqua-t-il en levant un sourcil, incrédule. Tu disparais de la surface de Féérune, ne m’offrant comme seule explication que tu doives sauver la planète ou quelque chose de tout aussi vague et farfelu, et tu voudrais que je saute de joie la première fois que je te revois en 18 ans?

Églantine resta muette et fixa le rapport sans en lire une ligne, les lèvres pincées. Allan commençait à croire qu’elle espérait réellement qu’ils discuteraient comme si rien n’avait changé. Elle leva les yeux et soutint le regard de son époux.

- Non, j’en demande pas tant, de toute façon, t’es pas du genre à sauter de joie, expliqua-t-elle en reposant sa joue sur son poing, le coude appuyé sur l’accoudoir de la chaise.

Elle remua ses bottes sur son bureau. Allan observa de petites plaques de boue tomber sur son bureau immaculé et grimaça.

- Alors quoi? demanda-t-il, distant.

Pendant des années, il s’était demandé si elle était encore vivante. Pendant des années, il s’était imaginé ce qu’il lui dirait s’il la revoyait. Mais maintenant, plus rien ne lui venait, sauf une vague de fatigue qui le fit se sentir si vieux. Cette situation lui paraissait si irréelle.

Lorsqu’il vit qu’elle haussa des épaules comme seule réponse, il soupira et poussa les bottes de sa femme de son bureau pour s’y appuyer. Il massa ses paupières de ses doigts, expira à nouveau et leva les yeux au ciel.

- Je n’ai même plus la force de me fâcher contre toi, murmura-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.

- T’as vieilli, dit la hafeline simplement, en prenant une bouchée de sa pomme qu’elle mastiqua bruyamment. Et t’as l’air d’avoir besoin de vacances.

- Et toi, pas suffisamment, on dirait, remarqua-t-il. Je ne suis pas un élu, moi.

Il n’y avait qu’elle pour dire sans gêne ce que tout le monde pensait tout bas. Il savait les commentaires que s’envoyaient les gens de la cour. Ils restaient polis en sa présence, mais tous s’inquiétaient de son état de santé. Il n’avait plus d’énergie depuis un certain temps.

Églantine le contempla pendant un moment. Il vieillissait comme un humain normal le ferait. Elle estima qu’il devait approcher la fin de la soixantaine, à présent. Elle n’était plus sûre. Le voyage dans le temps faisait perdre certains repères, surtout lorsqu’on était immortelle.

Il s’était bien conservé, nota-t-elle. Mais les signes de l’âge le rattrapaient maintenant. Sa chevelure, autrefois d’une couleur de blé, était maintenant majoritairement argentée. Elle remarqua que ça lui allait bien. Il avait un air aristocratique qui lui convenait. Des rides de fatigue et de sagesse parsemaient son visage.

Elle se rendit compte qu’elle le fixait depuis un moment et il la regarda d’un air perplexe en retour. Elle rougit légèrement et évita son regard, l’air soudainement sérieux.

- Tu sais, ça a pas été très facile de mon côté non plus. J’aurais bien aimé vous rendre visite à toi et Capucine. Mais après toute l’affaire avec Solux, j’ai échoué sur une île quasi déserte pendant une quinzaine d’années. Ça rend la communication difficile quand la population là-bas ne sait même pas ce qu’est un bateau.

Allan l’écouta sans parler. N’importe qui aurait raconté cette histoire et le chevalier lui aurait ri au visage. Mais il savait qu’Églantine n’était pas n’importe qui, et qu’il lui était arrivé des péripéties encore plus abracadabrantes que celle qu’elle lui relatait à l’instant.

- Et ensuite, Solux est venu me chercher et j’ai dû trouver une voile pour son bateau volant. Et j’ai retrouvé ma mère, tu te rends compte? À ce moment-là, j’aurais pu tenter de faire le voyage pour aller à Ordulin, parce que j’étais sur le plan matériel… Est-ce que j’étais sur le plan matériel, j’m’en rappelle plus, s’interrompit-elle. En tout cas, j’aurais bien voulu, mais ma mère m’a proposé de créer une guilde de… une guilde, et étant donné que ça faisait plus de quinze ans que j’avais pas donné de nouvelles, je me suis dit que ça dérangerait pas tant que ça si je repoussais cette rencontre à un peu plus tard.

Elle lui lança un regard penaud, voulant se faire pardonner. Il porta attention aux vêtements qu’elle portait. Elle était habillée en homme, à l’exception du corset et de la blouse. Elle portait des pantalons qui étaient cachés à partir des genoux par de grosses bottes de marin. Ses cheveux étaient coiffés en un chignon desserré sur la nuque pour lui permettre de porter un chapeau de pirate qui semblait avoir vu de meilleurs jours. Il aperçut également la pointe d’un tatouage qui se cachait sous sa blouse. Il remarqua aussi les nombreuses boucles d’oreille, ainsi que les colliers. Elle portait à chacun de ses doigts une bague, et il sourit en voyant qu’elle portait encore son alliance malgré tout, le seul bijou aux détails féminins.

Remarquant qu’il souriait un peu, Églantine se sentit encouragée et poursuivit son histoire.

- Quand la guilde fut dissoute parce qu’on avait plus de plaisir, je me suis dit que je devrais bien donner des nouvelles, mais pour une raison qui est encore un peu floue, quand je me suis couchée pour trouver les directions pour retourner à Ordulin, des personnes malveillantes en ont profité pour fouiller dans mes souvenirs pour changer mon passé.

Le regard d’Allan changea.

- Qu’est-ce que tu veux dire? s’enquit-il, le regard sombre et sérieux.

- Bah, ils ont pris la place de personnes importantes dans ma vie pour modifier mes réactions par rapport à certains événements dans l’espoir de changer le passé à leur avantage, raconta-t-elle en terminant son fruit. Je les ai semés pour un petit bout, mais je peux pas rester trop longtemps au même endroit.

Églantine fit une pause et lança distraitement le trognon de pomme dans la poubelle sans même la regarder.

- Et toi, comment te traite la vie? demanda-t-elle en se léchant les doigts.

- Savais-tu que notre fille a été kidnappée il y a de cela environ huit mois? changea-t-il de sujet.

Leur fille. Elle était la raison pour laquelle il avait de la difficulté à lui pardonner son absence. Qu’elle le laisse derrière, c’était une chose. Mais qu’elle laisse un nouveau-né, c’en était une autre. Il comprenait pourquoi elle l’avait fait. Techniquement, s’il avait bien compris, si elle n’avait pas participé à cette quête, il n’y aurait peut-être plus de Féérun pour y élever leur enfant. Toutefois, il savait que la femme devant lui avec son air innocent n’avait attendu qu’une excuse pour partir à l’aventure, et qu’avec sa chance habituelle, cette excuse serait raisonnable.

La réaction de son épouse le surprit. Elle le regarda, confuse, comme si c’était lui qui n’était pas au courant d’une nouvelle importante.

- Capucine a jamais été kidnappée; elle est avec moi! déclara-t-elle.

La mâchoire d’Allan toucha le sol et les bras lui tombèrent. Elle le savait depuis tout ce temps et n’avait rien dit?

- Pourquoi tu ne me l’as pas dit plutôt? dit-il, la colère dans sa voix. Je la cherche tous les soirs depuis huit mois en espérant la revoir en vie!

- Ben je prenais de tes nouvelles, c’t’affaires! On m’a appris à être polie! lui répondit Églantine, qui n’était pas heureuse de se faire parler sur ce ton.

Allan approcha son visage à un souffle du sien, quelques mèches de cheveux lui tombant dans les yeux. Il lui prit le bras un peu plus durement qu’il l’aurait voulu.

- Apporte-moi à elle, exigea-t-il les dents serrées.

Églantine savait qu’il pouvait être impressionnant et redoutable. Il n’avait pas gravi les échelons grâce à sa seule beauté. Mais elle détestait se faire donner des ordres par-dessus tout. Son expression devint menaçante, elle se déprit de la poigne d’Allan et se leva.

- Non, rétorqua-t-elle, sur la défensive.

- Quoi? questionna le chevalier, étonné.

Cela faisait longtemps qu’une personne n’avait osé discuter un de ses ordres. Églantine l’observa un moment, effarouchée. Le cœur lui battait la chamade et elle se rendit compte qu’il avait les nerfs à vif, tout comme elle. Il n’avait pas vu sa fille depuis longtemps et elle était partie brusquement. Elle vit que cette colère était due au stress et à la tristesse et à la solitude. Elle poussa finalement un soupir et regarda par la fenêtre.

- Tu pourras la voir, mais pas tout de suite.

- Est-ce qu’elle est en danger? Pourquoi est-ce que je ne peux pas la voir immédiatement?

- Elle va très bien, au contraire, expliqua la pirate pour rassurer Allan. Elle est en sécurité dans un endroit secret. La raison pour laquelle tu ne peux pas aller la voir est parce qu’elle veut que je t’amène à elle uniquement quand j’aurai vérifié que tu ne la puniras pas quand tu vas entendre ce que j’ai à te dire.

Allan resta silencieux et fit signe à Églantine qu’il l’écoutait.

- Capucine n’a jamais été kidnappée, elle s’est sauvée avec l’aide de Melkior dans un autre village pour vivre sa vie sans être enfermée dans une cage dorée.

Pendant la vingtaine d’années qu’avait passées Églantine au manoir en compagnie d’Allan, elle avait appris que les personnes ayant à cœur la loi et l’ordre ne savaient pas mentir ou cacher leurs émotions. Alors malgré le fait qu’Allan était bien souvent un homme de peu de mots, elle pouvait voir la rage qui envahissait.

- Quoi?! s’exclama-t-il, les dents serrées. Je me fais un sang d’encre pendant des mois, j’ai investi des ressources inestimables pour la retrouver, et tu me dis qu’elle se promenait dans la nature?!

Églantine mit ses mains sur ses hanches et le regarda avec un air de « je te l’avais dit! ».

- Tu vois! C’est exactement pour ça qu’elle veut pas te voir! Elle se doute bien que tu l’enfermerais dans sa chambre jusqu’à la fin des temps!

- Et elle a bien raison de penser ça! maugréa Allan. Après tout ce qu’elle m’a fait subir, c’est bien la moindre des choses qu’elle comprenne les conséquences de ses actes.

- C’est toujours la même histoire avec vous, les pères! explosa-t-elle, à bout de patience. Vous pensez qu’en ayant toujours votre fille à l’œil et en l’empêchant de sortir de votre périmètre, vous la protégez contre tous les dangers. Et bien, laisse-moi te dire, Allan Schézar, que ça ne nous donne qu’encore plus le goût d’aller voir pourquoi tout ce monde nous est interdit! Sans t’en rendre compte, à force de vouloir la protéger, tu l’as poussée à s’enfuir pour qu’elle connaisse enfin la liberté. Je la comprends très bien, j’ai vécu la même chose.

Cette diatribe sembla refroidir les ardeurs d’Allan. Ses épaules s’affaissèrent et l’abattement se lisait sur ses traits tirés. Il se sentit tout à coup si las et fatigué. Le chevalier s’assit dans sa chaise et se frotta le visage à deux mains.

- Je, je ne voulais pas… Elle était si curieuse. J’avais peur qu’il lui arrive quelque chose… bredouilla-t-il, le regard dans le vague.

Églantine s’avança devant lui et s’agenouilla en prenant les larges mains d’Allan dans les siennes, petites et délicates.

Le chevalier baissa les yeux et observa leurs mains jointes. Ils étaient si différents. C’est pour ça qu’il aurait aimé qu’Églantine soit là pour élever Capucine avec lui. Avec les années, il avait compris que la vision de cette femme faisait une bonne contrepartie à sa propre personnalité. L’union dans laquelle ils s’étaient retrouvés il y a de cela quarante ans n’était certes pas idéale, mais ils avaient fait de leur mieux pour tirer avantage de ce qu’ils avaient. Il pouvait compter sur Églantine pour tirer parti de toute situation.

- Je sais bien que c’est pas ce que tu voulais faire, dit-elle d’une voix douce. Et elle ne t’en veut pas. Au contraire, elle comprend pourquoi tu as fait tout ça et elle regrette t’avoir inquiété. Elle est forte et intelligente et elle a une bonne tête sur les épaules. À dix-sept ans, elle voulait vivre sa vie, se sentir libre tout simplement.

- Comme sa mère à son âge, dit-il en partageant un léger sourire. Elle a ta curiosité et ton désir du danger depuis qu’elle peut marcher, et même avant!

Églantine sourit et se leva en évitant son regard, les joues roses. Elle regarda Allan du coin des yeux.

- Mais pour le reste, elle te ressemble comme deux gouttes d’eau. Les yeux, le visage, les cheveux, c’est toi tout craché! En plus, elle a cette espèce de sens de la justice qui m'a toujours échappé. Quand je l’ai trouvé, elle était coincée sur un bateau à la recherche d’un nouveau village pour un groupe de réfugiés. Tu parles d’une mission ennuyeuse! finit-elle en grimaçant.

Il ricana un brin, secouant la tête à ses propos.

- Tu m’as manqué, tu sais? lança-t-il sans trop y penser.

L’atmosphère devint soudainement chargée. Églantine rougit et évita son regard. Tout son langage corporel reflétait son malaise. Elle n’avait jamais été très à l’aise pour parler de sentiments. Malgré le fait qu’elle était bien entourée, l’aventurière s’était toujours sentie assez solitaire. Elle s’attachait difficilement aux gens, car s’attacher aux gens représentait plus de contraintes que ce qu’elle était prête à tolérer. Elle aimait son indépendance et voulait la conserver à tout prix.

Toutefois, elle ne pouvait pas dire qu’elle était insensible à son commentaire. Églantine avait toujours considéré sa relation avec Allan comme désinvolte. Ils n’avaient jamais ouvertement parlé de sentiments; elle changeait systématiquement le sujet chaque fois qu’Allan tentait d’entamer ce genre de conversation. Mais il arrivait de ces moments où Allan glissait une remarque innocente qui la rendait toute chose… Elle préférait ne pas trop s'attarder à la signification de cette réaction.

Allan se rendit compte de sa bévue, comprenant qu’il était probablement trop tôt pour ce type d’aveux, et changea le sujet.

- Alors, dit-il en se redressant sur sa chaise, est-ce que j’ai passé le test? Je peux aller la voir, maintenant?

- J’en suis pas certaine, blagua-t-elle, retrouvant son naturel. Peut-être devrais-tu dormir là-dessus, histoire d’être certain que tu vas avoir conservé la même opinion le matin venu?

- Églantine… dit-il sur un ton faussement menaçant.

Elle sembla considérer le pour et le contre, le doigt sur les lèvres et l’air pensif. Elle sourit finalement en roulant les yeux.

- Bien sûr!

Elle marcha vers la fenêtre, sentant le regard d’Allan sur elle. Elle lui lança un sourire, ouvrit la fenêtre et sauta par elle. Allan accourut là où son épouse se trouvait afin de voir si elle était saine et sauve.

Églantine dévala le long du mur, semblant courir à la verticale. À la dernière seconde, elle sauta du mur et fit une roulade pour atterrir doucement sur le gazon. Elle secoua ses vêtements, leva la tête et fit un signe victorieux vers la fenêtre. Allan secoua de la tête devant l’absurdité de la situation.

- À titre indicatif, les escaliers, ça existe! raisonna-t-il.

- Peut-être, mais c’est beaucoup moins amusant! Allez, viens! dit-elle en lui faisant signe d’aller la rejoindre.

- Je suis trop vieux pour ce genre de jeux, Églantine! rétorqua-t-il. Je vais prendre les escaliers.

Églantine fit la moue un moment, puis elle se résolut à l’attendre.

- C’est bon, soupira-t-elle. Je t’attends à l’entrée du manoir, alors! Et n’oublie pas d’apporter deux chevaux!

Allan observa Églantine courir, presque planer tellement elle courait discrètement, vers la haie et s’y cacher. Elle contourna deux gardes qui n'interrompirent même pas leur discussion, malgré la proximité de l’intrus qui se baladait parmi eux.

Il sourit et se dirigea vers l’entrée – en passant par les escaliers, dans son cas.

* * *

Églantine vit Allan arriver sur son destrier, un cheval qui le suivait depuis déjà plusieurs années. À ses côtés trottait un second cheval. Églantine grimpa élégamment sur ce dernier et les deux chevauchèrent en silence vers une destination que seule Églantine connaissait.

Elle le guida aisément, la ville étant comme une deuxième maison pour elle, bien que la noirceur était déjà avancée. Ils arrivèrent dans un quartier plus dangereux. Il n’était pas si dangereux, mais comparativement au reste de la ville, c’était le quartier des mécréants.

Allan se doutait de l’endroit où elle le menait. Au-delà de ce quartier se trouvaient les quais. Toutes ses recherches pour retrouver Capucine le menaient au même endroit : les quais. Plus aucune trace au-delà des entrepôts maritimes. Cela lui fit se demander par quel moyen ils avaient réussi à entrer sur l’île. Elle était bien protégée. Il prit note mentalement qu’il devra lui poser la question plus tard afin de renforcer la garde pour éviter d’autres fuites du genre.

Ils finirent par arriver devant un entrepôt. Églantine ralentit et débarqua de son cheval qu’elle tint par la bride. Allan la suivit jusqu’à la barre pour y attacher les animaux. Il fut plus rapide et se dirigea vers la porte. Au moment où il allait ouvrir l’une des immenses portes, Églantine l’en empêcha en se glissant entre lui et la porte.

- Pas touche! Il faut connaître le code! lui dit-elle en lui donnant une pichenette sur le nez alors qu’il lui accordait un regard surpris.

Elle cogna trois fois, fit une pause, cogna à nouveau trois fois, fit une nouvelle pause et cogna une dernière fois. Elle regarda Allan pour lui signifier que s’il révélait ce code à qui que ce soit, il ne verrait plus la lumière du jour. Elle prenait son métier au sérieux.

Elle ouvrit la porte légèrement et y glissa la tête, quand elle vit qu’il n’y avait aucun danger immédiat, elle entra.

- Hé-oh! Nous sommes arrivés! Ton père a promis qu’il n’allait pas faire de bêtise en te voyant! Allez, dis-lui que tu m’as promis! incita-t-elle en se tournant vers Allan.

- Capucine, je ne t’en veux pas… Je veux simplement te serrer dans mes bras, ma puce! expliqua-t-il.

À sa droite, il entendit des bruits de pas, puis sa fille apparut dans son champ de vision. Il ouvrit grand les bras et Capucine, les larmes aux yeux, sauta dans son étreinte.

- Papa! s’exclama-t-elle. Tu m’as tellement manqué!

Elle leva la tête pour le regarder. Elle était si heureuse qu’il ne fût pas fâché contre elle.

- Tu m’as manqué aussi, Capucine, répéta-t-il en desserrant l’étreinte doucement. Je me suis tant inquiété pour toi.

- Tu vois que t’avais pas à t’en faire, elle est bien trop débrouillarde pour qu’il lui arrive malheur, interrompit Églantine avec un sourire. Où est Alphie, en passant?

Capucine fit la moue, et Allan remarqua avec un sourire à quel point ce geste était le miroir de ce qu’avait fait Églantine quelques moments auparavant.

- J’en sais rien. Il a dit qu’il préférait rester à l’écart parce que les réunions de famille le dégoûtait ou quelque chose du genre, finit-elle en faisant un signe de la main pour indiquer que le sujet était clos.

- Qui est « Alphie »? demanda Allan, méfiant.

Capucine, un peu confuse lorsqu’elle réfléchissait à la relation étrange qu’elle avait avec le grand ténébreux, ne savait pas quoi répondre et demanda de l’aide du regard à sa mère.

- C’est son garde du corps. Et mon neveu, par une fantastique coïncidence! expliqua-t-elle fièrement en détournant le sujet de la conversation. Le monde est petit, quand tu connais Solux, apparemment!

- Églantine, il ne peut pas être ton neveu, l’un de nous devrait avoir un frère ou une sœur pour que ça soit une possibilité.

- Bof, des détails, selon moi! rétorqua-t-elle en haussant des épaules. La Guilde des roses a élevé ce gamin. Sa mère s’est jointe à nous juste avant qu’elle ne découvre qu’elle était enceinte. Le père était déjà disparu du portrait à ce moment. Un dénommé Kathar, si je me souviens bien…

- Pardon?! Kathar, tu as dit? s’étouffa Allan.

Cela faisait bien vingt ans qu’il ne l’avait pas revu, mais malgré tout, il trouvait quand même le moyen de s’immiscer dans la vie de l’ex-capitaine des chevaliers de Selgonte. Mais maintenant il avait une réponse quant à l’identité de la créature aux yeux mordorés qu’il avait vue la nuit de la disparition de Capucine.

Églantine était sur le point de lui demander pourquoi il avait réagi aussi vivement en entendant ce nom, lorsqu’Allan la stoppa d’un signe de la main

- Peu importe, indiqua-t-il, les dents serrées. J’en ai assez entendu pour aujourd’hui. Rentrons à la maison. Nous poursuivrons cette discussion au manoir.

Avant même qu’il eût le temps de faire un geste, la porte grinça. Tous trois aux aguets, ils écoutèrent silencieusement. Églantine déposa sa main sur la rapière reposant dans le fourreau attaché à sa ceinture. Elle avait un bien mauvais pressentiment.

- Alpharius? dit Capucine, hésitante.

Au loin, Églantine vit un morceau de cristal refléter la lumière de la torche accrochée à l’entrée du hangar.

- Non, c’est pas Alphie, ça. Ah non… murmura-t-elle. Ils m’ont déjà retrouvé.

Elle sortit la rapière de sa ceinture qui se transforma en arc et avança d’un pas rapide vers la source du bruit. Elle plaça sa main sur la corde et une flèche se matérialisa. Elle décocha la flèche qui percuta un objet solide qui sembla se fracasser.

Allan se plaça entre sa fille et la menace et sortit son épée. Capucine, qui avait son arbalète accrochée dans son dos, se prépara et glissa un carreau dans le mécanisme.

L’objet sortit de sa cachette et apparut aux yeux de tous. C’était, en somme, un golem de cristal. Et il fonçait droit sur Églantine.

Il lui lança des sortilèges qu’elle évita sans difficulté, et elle lui tira de nouvelles flèches à bout portant. Le golem ne ralentit pas sa course et, avec un de ses grands bras en cristal, asséna un coup à Églantine qui l’envoya planer sur plusieurs mètres avant qu’elle ne s’arrête sur le dos.

La pirate toussa, la poitrine douloureuse, mais elle se releva, le regard déterminé. Elle reprit son chapeau qu’elle secoua pour enlever la poussière avant de le remettre sur sa tête.

Allan allait s’approcher d’elle lorsqu’il entendit Capucine décocher son carreau de son arbalète. Il se retourna pour s’apercevoir qu’elle s’attaquait à un autre golem.

Le golem chargea vers eux, et Allan se positionna pour réceptionner l’attaque. Le monstre était à moins d’un mètre d’eux lorsqu’il dévia sa course pour éviter Allan, permettant à ce dernier de lui donner un bon coup d’épée, qui fit craquer le cristal. Le golem poursuivit sa route vers Églantine.

À la quantité de flèches qu’Églantine avait utilisées, le premier golem n’avait plus de jambe droite et titubait lentement pour la rejoindre. Le deuxième golem tenta de l’attraper et la coinça entre ses bras. Il la serra si fort qu’elle échappa un cri de douleur.

Églantine sentit les os de son corps se briser sous la pression qu’exerçait le golem. Elle essaya de se déprendre de son étreinte une première fois sans succès. Le golem commença à se déplacer vers la porte, tranquillement.

Allan et Capucine coururent vers les deux golems, la jeune aventurière combinant ses sorts à son arbalète pour ralentir les golems. Capucine vit également une ombre familière qui rôdait autour du golem retenant sa mère.

L’ombre fonça à plusieurs reprises sur le golem et elle put voir qu’il fracassait le cristal à plusieurs endroits sur les bras qui tenaient Églantine prisonnière. Au moment où Allan et Capucine le rejoignaient, ils furent accostés par le golem à une jambe. Il attaqua Allan qui évita le coup, mais le golem réussit à toucher Capucine, qui valsa un peu plus loin.

Capucine se releva en grognant. Elle ignora le derrière de sa tête qui était humide et elle décocha un carreau qui fit mouche sur le golem que son père tentait de contourner.

Il entendait au loin Églantine hurler à nouveau. Elle essaya une nouvelle fois de se libérer, cette fois en changeant de forme, mais aucun changement ne se produit. Ils devaient avoir trouvé le moyen d’inhiber ses pouvoirs de doppleganger.

La hafeline avait aperçu qu’Alpharius tentait désespérément de la libérer de l’étreinte du golem. Ce dernier la serra une nouvelle fois, et sa vision devint brouille. Tout tournait autour d’elle et la douleur commençait à s’estomper. Elle ferma les yeux et tomba évanouie.

Allan asséna un dernier coup au golem qui s’effondra au sol. Il était très inquiet, car Églantine était beaucoup trop silencieuse. Il courut vers le deuxième golem et lui donna le coup de grâce. Il tomba sur le dos, et Églantine roula à côté de lui, son corps ressemblant à une poupée de chiffon.

Capucine rejoignit son père et Alpharius qui avait repris sa forme habituelle. Allan était agenouillé à côté de la pirate et regardait ses signes vitaux, craignant qu’elle ait succombé à ses blessures.

Elle observa son père qui était à l’habitude si calme, vérifier sa respiration et retirer un de ses gants d’une main tremblante. Il mit sa main toujours gantée sur la poitrine de la pirate et pria son dieu. Une lumière en jaillit et se faufila sur le corps d’Églantine pour refermer ses blessures.

Églantine toussa, et ouvrit les yeux lentement.

- Ouch, c’est vraiment douloureux des câlins de golem, remarqua-t-elle.

- Chut, ne parle pas, j’essaie de te soigner, murmura Allan.

Capucine avait rarement vu son père aussi doux et tendre envers quelqu’un d’autre qu’elle-même.

- Ah, la partie la plus amusante d’une aventure, le moment où on se fait guérir… C’est tellement agréable. C’est comme faire des étirements après un entraînement, bredouilla Églantine avec un large sourire, un peu perdue dans son délire.

La deuxième guérison lui fit prendre une profonde inspiration et le brouillard qui voilait son regard se dissipa tranquillement. Elle était maintenant plus alerte et elle se rassit en regardant ses plaies.

- Ouf! Ça a été moins une, cette fois, se dit-elle à elle-même.

- Qu’est-ce que c’était? demanda Allan, inquiet.

Elle ignora sa question et fixa une grosse entaille sur son bras qui n’était pas encore guéri. Allan soupira, et avec un petit sourire, déchira sa manche pour lui faire un pansement.

Églantine, les yeux brillants à force de retenir ses larmes, renifla une, deux fois et se mordit la lèvre. Allan enroula le tissu pour protéger la plaie des saletés.

- Allons, tu n’as pas besoin de te retenir, je sais bien que tu as mal, dit-il en hochant de la tête, incrédule.

Comme si elle avait obtenu son approbation, elle éclata en sanglots. Telle une enfant qui fait une crise, elle frappait le sol des pieds et des mains, se plaignant bruyamment.

- J’ai maaaaaaaaaaaaaaaaaaaal! pleurnicha Églantine. Ouch! Ouch! Ouch! Ouch! J’veux qu’on m’guérisse!

Allan termina son bandage et la laissa chigner à sa guise. Alpharius roula des yeux et un grognement s’échappa de ses lèvres.

- Ça a pas changé… Elle fait encore de ces crises… maugréa-t-il.

Capucine dévisagea Alpharius et son père. Sa mère avait été gravement blessée, il n’y avait aucun doute là-dessus. Mais son père l’avait soigné, et cette femme adulte faisait une crise que ceux qui la connaissaient trouvaient normale? Son père se livrait même à ses caprices? Elle ne connaissait pas cette facette de sa mère. En fait, elle se rendit compte qu’elle la connaissait très peu. Elle aurait peut-être dû s’en douter lorsqu’Oncle Robin la qualifiait d'exigeante et de dictatrice…

Allan se tourna vers Capucine pour voir son état de santé, maintenant qu’Églantine était hors de danger.

- Et toi, Capucine, ça va? dit-il en se levant pour tâter la peau sensible de son visage égratigné.

Capucine ne sentait plus son bras gauche et un filet de sang coulait le long de son sourcil après que sa tête ait touché le sol lorsque le golem lui avait donné un bon coup. Mais elle avait connu bien pire durant son périple dans la forêt avec Alpharius.

Allan était surpris par la robustesse de sa fille. Il l’avait terriblement sous-estimé; il s’en rendait compte maintenant. Elle ne s’était pas plainte, malgré son sale état. Elle s’était bien battue et se débrouillait étonnamment bien avec la magie.

- C’est Melkior qui t’a montré tout ça? s’enquit-il, en observant ses blessures.

Capucine, honteuse d’avoir tant caché à son père, détourna le regard et acquiesça.

- Oui, il m’a montré les bases, et le reste je l’ai appris de ses livres… murmura-t-elle.

Il la scruta du regard et remarqua à quel point elle avait changé en huit mois. Elle avait mûri. Sa démarche était différente et son regard un peu plus sérieux et assuré. Il ne savait pas ce qu’elle avait vécu durant sa fugue, mais il se doutait que cette expérience l’avait marquée.

Églantine, qui avait cessé de larmoyer, était maintenant debout à la recherche de son chapeau. Elle le trouva coincé sous un gros débris de golem. Elle essaya de le déloger, mais avec sa force actuelle, tout ce qu’elle réussit à faire fut d’être étourdie en raison de l’effort.

Alpharius, la voyant s’essouffler pour rien, s’approcha et l’aida à pousser le morceau de golem suffisamment pour qu’elle puisse arracher le chapeau de pirate de là où il était coincé.

- Ah, merci, Alphie! dit Églantine en lui donnant une tape amicale sur l’épaule. Bon, j’suis prête à partir. Ça m’étonnerait qu’on ait de nouvelles attaques cette nuit, mais si on reste planté là, ils hésiteront pas à envoyer de nouveaux golems.

Allan n’avait pas écouté Églantine. Son regard s’était arrêté sur l’intrus vêtu de noir aux yeux dorés. Il le prit par le collet et le fixa d’un regard sévère. Alpharius n’opposa aucune résistance et le dévisage à son tour.

- Pourquoi est-il ici? Je sens son aura, c’est une créature du mal, s’exclama Allan, les dents serrées. Je devrais l’anéantir sur-le-champ.

- Papa, non! Ne lui fais pas de mal, il m’a sauvé la vie à plusieurs reprises!

- Son père est Kathar, un démon… continua Allan, sans quitter Alpharius des yeux.

- Pis, ça? s’exclama Alpharius, l’amertume dans la voix, en se déprenant. Ça change quoi que Kathar soit mon père ou pas? J’suis pas ici pour régler les comptes que mon géniteur aurait pu avoir toi; j’ai un contrat à honorer! Tu peux être certain que dès que je parle au contractant, je me barre!

Capucine tressaillit. Malgré tout ce qu’ils avaient vécu ensemble, la seule chose qui le retenait à elle était ce stupide contrat qu’il avait passé avec Melkior? Après, il s'en irait, et que ferait-elle? Elle n'avait jamais pensé à cette éventualité. Elle recula, comme si on l’avait blessée physiquement. Capucine savait qu’il était inutile de se battre contre son père alors qu’il était en colère. Il pouvait être si autoritaire et sévère. Elle regarda, impuissante, les deux hommes se dévisager, la main sur leur arme.

Églantine en avait assez et voulait retourner chez elle prendre un bain. Ses cheveux étaient emmêlés et lourds, à cause du sang qui y séchait, ses muscles la faisaient souffrir, et elle avait encore failli y laisser sa peau.

Elle se glissa entre Alpharius et Allan, et dévisagea son mari, le regard mauvais.

- J’en ai marre, j’ai mal et je veux me coucher! Elle t’a dit qu’il lui avait sauvé la vie, alors il doit pas être si méchant que ça, non? Et je me porte garante de lui, alors fiche-lui la paix, conclut-elle en le repoussant de la main pour les séparer.

Capucine regarda la scène, bouche bée. Sa mère n’avait donc peur de rien? C’était bien la première fois qu’elle voyait quelqu’un oser interrompre son père et discuter ses méthodes.

Le chevalier sembla tout aussi surpris de cet accès. Il recula de quelques pas, un peu confus de ce qui venait de se produire. Églantine le prit par la main et le guida vers la sortie. Sans se retourner, elle annonça :

- Allez les enfants, on rentre à la maison!

* * *

Le reste du voyage se passa en silence. Capucine partagea une monture avec son père, alors que les deux autres chevauchaient le second cheval. Églantine était surprise de voir que Capucine s’était dirigée vers le cheval de son père. Elle en conclut que c’était simplement parce qu’elle s’était ennuyée de lui.

Une fois au manoir, Capucine fut dirigée vers sa chambre, et Alpharius fut envoyé dans une chambre d’ami à l’opposé de celle de la jeune femme. Allan aurait bien aimé discuter avec sa fille, mais il voyait qu’elle était fatiguée, et bien honnêtement, son lit l’appelait également. Dès qu’Églantine put leur souhaiter une bonne nuit, elle accourut vers sa chambre en ricanant. En chemin, elle enleva ses bottes qui furent projetées un peu n’importe où dans le couloir. Dans sa chambre, elle lança son chapeau et sautilla vers la petite pièce adjacente, où elle avait demandé qu’on lui coule un bain chaud avant son départ à cheval vers le hangar.

Elle sauta avec ses vêtements dans le bain, qui ressemblait davantage à une piscine creusée, et fit une bombe digne d’une personne le double de sa masse.

Allan pénétra dans sa chambre et entendit un rire familier et des bruits d’éclaboussures. Il traversa la pièce et vit Églantine au fond de la piscine, toujours en boule après sa bombe qui avait projeté de gros bouillons d’eau maintenant bruns partout sur le plancher de pierre polie.

Il déposa les bottes qu’il avait trouvées sur son chemin et s’appuya sur le cadre d’entrée, un sourire amusé aux lèvres. Il attendit qu’elle sorte la tête de l’eau

- Tu aurais au moins pu prendre le temps de retirer tes vêtements, nota-t-il. Je ne prendrai certainement pas dans ma couche une femme aussi sale que toi.

Églantine, qui était perdue dans ses propres rêveries sursauta, et perdit sa concentration alors qu’elle tentait de maintenir sa position de l’étoile dans le bain. Elle but la tasse et sortit la tête pour respirer en toussant, étouffée par la gorgée d’eau.

Allan pouffa d’un rire franc. Pour une ancienne voleuse toujours aux aguets, il était parfois bien facile de la surprendre.

Une fois sa quinte de toux passée, elle lui tira la langue, le visage encore rouge. Elle avança vers la rive et sortit la moitié de son corps de l’eau.

- Il faut bien que je lave mes vêtements une fois de temps en temps, expliqua-t-elle, sachant pertinemment qu’elle le dégoûterait.

Allan grimaça à sa remarque, mais s’avança tout de même vers elle. Il mit un genou par terre sur le bord et approcha son visage du sien. Églantine se percha sur ses avant-bras et frôla ses lèvres sur celles du chevalier. Il la retenait, ses doigts emmêlés dans les cordes de son corset lacées sur son ventre.

Églantine ferma les yeux, mais le moment fut interrompu par la hafeline qui soupira, exaspérée.

- Attends un moment, murmura-t-elle, la voix rauque.

Laissant un Allan confus sur le bord de la piscine, elle sortit du bain, laissant derrière elle une piste de gouttelettes. Pendant un instant, elle ferma les yeux et se concentra sur quelque chose. Elle ouvrit les yeux et se dirigea vers la fenêtre dans le fond de la salle de bain. Elle ouvrit les paravents, se pencha dangereusement à l’extérieur, et tira sur quelque chose.

Au bout de ses doigts se trouvait un homme encapuchonné qui pestait.

- Ouch! Ça va, ça va! Tu peux me lâcher, à la fin! se plaignit Alpharius.

- Alphie, on t’a donné une chambre, c’est pour que tu y restes, réprimanda Églantine, en le tirant jusque dans la salle de bain.

- Tu sais que je dors pas la nuit! Et j’étais à la recherche de ta fille qui a disparu de sa chambre, mentit le demi-démon.

- Tut, tut, tut! C’est pas bien de dire des menteries, Alphie, surtout quand t’es mauvais à ça! sermonna la pirate.

Églantine se dirigea ensuite vers la penderie dans la salle de bain où se trouvaient généralement les robes de chambre et les serviettes propres, ses longs cheveux dégoulinant par terre.

- Ne t’inquiète pas pour Capucine, elle va très bien, rassura-t-elle, la main sur la poignée de porte du placard.

Pour confirmer ses paroles, elle ouvrit la penderie pour y découvrir sa fille qui s’y était cachée. Elle arborait un air honteux, tandis qu’Églantine tenait la porte du placard ouverte en faisant la révérence comme un majordome pour l’inviter à sortir de sa cachette.

- Bonsoir papa, salua-t-elle avec un sourire coincé et un petit mouvement de la tête.

Allan leva les yeux au ciel, plus fatigué que jamais. Plus personne n’avait de principes maintenant? La vie privée n’était plus qu’une illusion? Il était entouré de gens qui ne respectaient en rien les lois et les conventions qui avaient été établies par la société. Il se ressaisit et mit ses mains sur les hanches, un regard réprobateur dirigé vers sa fille; il préférait faire fit de la présence du démon.

- Que nous vaut l’honneur de cette intrusion? s’enquit Allan.

Capucine regarda ses mains croisées devant elle en se mordant l’intérieur de la joue.

- C’est juste que je pensais que vous parleriez des monstres qui nous ont attaqués et pourquoi maman était recherchée par ces créatures…

Églantine soupira. Elle se doutait qu’ils ne les laisseraient pas tranquilles tant qu’ils n’auraient pas obtenu des réponses satisfaisantes. En tout cas, c’est ce qu’elle aurait fait à leur place.

Elle ouvrit à nouveau le placard et sortit une brosse à cheveux. Elle alla s’asseoir sur le bord du bain, les pieds dans l’eau. Églantine défit sa coiffure correctement et commença à brosser ses cheveux, en commençant par la pointe.

- J’en sais pas beaucoup plus que vous, soupira-t-elle. Le créateur est parti quelque part, et son serviteur ne sait pas où. J’ai oublié le nom de ces golems, mais ce sont eux qui tentent de prendre le contrôle de mon esprit pour changer le passé.

Elle changea de mèche de cheveux et recommença le même processus sur la deuxième.

- Pourquoi toi? demanda Allan.

- Parce que je suis géniale, c’t’affaires! répondit Églantine, incrédule. En tout cas, il faut se méfier, car ils peuvent prendre l’apparence de personnes qui nous sont chères pour nous manipuler.

- Alors, à qui pouvons-nous faire confiance? demanda Capucine.

- À personne, répondit Églantine avec un sourire. Qui sait? Peut-être que je ne suis pas la vraie Églantine.

Trois regards la dévisagèrent, mal à l’aise. Se rendant compte que personne ne trouvait sa petite blague rigolote, elle sortit du bain et se releva.

- Bon, j’vous aime bien, mais moi je veux finir mon bain tranquille et je vous ai pas mal tout raconté. On en discutera plus après une bonne nuit de sommeil. Allez, ouste!

5 commentaires:

  1. Gniiiiiii!!!! Neeed mooore!!!!

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  2. Oh chouette
    moi qui pensais qu'il y allait avoir du smutt avec Allan :P J'ai bien de la misère à voir les perso romancé comme tu les as décrits, ça doit être la faute à Sirielle au fin fond de moi qui peut pas voir Églantine en ménage avec Allan et chicaner Capucine et Alpharius XD
    J'adore ton style d'écriture par contre, léger, avec de l'action et très humoristique ^^
    xxx

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  3. Haha, merci! ^_^

    Disons que j'ai dû réfléchir longtemps pour m'imaginer comment ils auraient pu vivre ensemble, en plus d'avoir un enfant, et j'ai dû en venir à la conclusion qu'Églantine a changé en 40 ans... XD

    Et Malgré toute cette réflexion, j'ai toujours pas trouvé le moment pivot qui aurait déclenché ce rapprochement avec Allan. Je cherche encore... Je comprends que c'est difficile (impossible? :P) de voir Églantine de cette manière, mais même si c'est flou encore dans ma tête, je me dis qu'il a dû se passer de quoi en 20 ans de vie paisible...

    Paladin loyal bon VS Roublard chaotique neutre FTW! XD

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  4. Solux...
    Super cool, je vais inclure ce qui c'est passé dans mon histoire.
    J'ai hâte de rejouer.

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  5. Vraiment excellent! :-D
    Je trouve que c'est bien Églantine moi!
    Je la voyais comme sa plus tard!

    Mélina

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